Musée des Troupes de Marine
La collection des objets disponibles à la création du musée s'est considérablement enrichie au fil des années, principalement grâce aux dons des particuliers et de l'AAMTDM. Quelques chiffres permettent de préciser l´importance des collections présentées au public : 120 vitrines, 55 uniformes, 100 armes à feu et armes blanches, plus de 130 coiffures et 250 décorations, quelque 2 000 insignes. Le public peut admirer en particulier une très belle collection de 25 armes spécifiques de la Marine (du sabre de marine 1769 au revolver Lefaucheux 1858), en service dans l'Infanterie et l'Artillerie de Marine, ainsi que les très nombreux souvenirs de coloniaux illustres, moins célèbres, voire anonymes.
Par ailleurs, plus d´une centaine d´emblèmes et de fanions, une cinquantaine d´affiches originales de recrutement, et 130 tableaux sont accrochés aux cimaises du musée. Les gouaches originales de Rousselot, Toussaint et Lajoux permettent de présenter l´intégralité des tenues et uniformes portés par les Marsouins, les Bigors et les tirailleurs, du XVIIe siècle aux années trente du XXe siècle. Quelques oeuvres plus récentes complètent la série, réalisées par des peintres officiels des armées, mais aussi par les artistes qui participent au salon de peinture du musée. Au total plus de 7 000 numéros figurent à l´inventaire du musée.
L´histoire présentée dans le musée s´étend sur près de quatre siècles.
En 1622, Richelieu créa les "cent compagnies de la mer" : cette première troupe d´Infanterie de Marine appelée à former la garnison des vaisseaux du roi, devint en 1626 le régiment "La Marine". A la fin du siècle, les "compagnies franches" (1683) furent envoyées au Canada, tandis que les "compagnies de bombardiers de la marine" étaient affectées à la défense des grands ports du Ponant (Brest et Rochefort) et du Levant (Toulon).
Dès le milieu du XVIIIe siècle, on procéda au recrutement de troupes indigènes, d´abord les cipayes aux Indes (1750), puis les laptots de Gorée au Sénégal (1765). Le corps royal d´infanterie et d´artillerie de marine fut créé en 1769, remplacé en 1772 par le corps royal de la marine, composé de huit régiments, dits des ports, dont ils portent les noms : Bayonne, Bordeaux, Brest, Le Havre, Marseille, Rochefort, Saint-Malo et Toulon. Pour la première fois, leurs drapeaux d´ordonnance portaient l´ancre de marine, marque symbolique que les Troupes de Marine ont conservée sur leurs attributs jusqu´à nos jours.
Les souvenirs de l´Ancien Régime sont rares. Parmi les plus précieux citons : un plan de défense du bourg de Saint-Pierre (Martinique) daté de 1683, une plaque de giberne d´un régiment des colonies, et le premier modèle de pistolet réglementaire de la marine (1779). Une très belle maquette d´un vaisseau de 74 canons est l´occasion d´évoquer la place particulière des Marsouins et des Bigors à bord des bâtiments de la Marine.
L´artillerie de marine participa aux campagnes de l´Empire avec sept brigades et, à partir de 1804, avec les quatre premiers régiments d´artillerie de la marine, qui s´illustrèrent en 1813, en particulier à Lützen, plus ancienne inscription de bataille figurant sur les emblèmes des Troupes de Marine.
Au XIXe siècle, le développement des possessions outre-mer se traduisit, à partir de 1822, par un accroissement des effectifs des Troupes de Marine. Au milieu du siècle, la Marine ayant créé des formations de fusiliers-marins et de canonniers-marins, fantassins et artilleurs de marine abandonnèrent le service des armes et la manoeuvre des agrès aux matelots. N´étant plus que transportés à bord des bâtiments, les fantassins de marine furent surnommés "Marsouins " par les matelots, par référence aux cétacés qui accompagnent les navires. Le surnom, moqueur à l´origine, deviendra rapidement un motif de fierté et continue d´être porté par tous ceux qui servent sous l´ancre d´or ! Quant aux "Bigors", leur surnom proviendrait de l´assimilation des artilleurs de marine à des bigorneaux, les soldats étant débarqués des navires pour être désormais fixés à leurs batteries côtières, comme le coquillage sur le rocher .
Quelques vitrines ne manquent pas de présenter les combats de la "Division Bleue", qui lutta jusqu'à "la dernière cartouche" dans les Ardennes, les 31 août et 1er septembre 1870. Les régiments coloniaux, engagés pour la première fois dans une même grande unité, furent aux prises avec le 1er Corps bavarois. Leur résistance héroïque, deux jours durant, leur coûta deux mille six cents hommes. De ces terribles moments naquit l´esprit de corps d´une arme où, depuis cette date, l´on fait volontiers référence aux forces morales qui fondèrent alors la détermination des Marsouins et Bigors : seule une troupe professionnelle, aguerrie par les campagnes coloniales, eut la volonté et la capacité de "faire Bazeilles". Ces combats sont évoqués par quelques objets chargés de sens : l´épée du général de Vassoigne, qui commandait la division, et auquel l´arme fut laissée en hommage à l´héroïsme de ses troupes ; le bidon d´une cantinière des Troupes de Marine ramassé sur le champ de bataille à l´issue des combats ; un coq qui servait de girouette sur le clocher de l´église de Bazeilles, village anéanti à l´issue de la bataille...
L´épopée coloniale de la IIIe République connut son apogée au début du XXe siècle.
Les campagnes s´étaient multipliées, et les colonies se créèrent les unes après les autres : Sénégal, Pacifique, lndochine, Soudan, Madagascar, Afrique occidentale, puis l´Afrique centrale, sous l´impulsion de Borgnis-Desbordes, Archinard, Galliéni, Mangin, Gouraud, Largeau, Marchand... Ces territoires, ces grands chefs et leurs soldats sont présentés dans les vitrines au travers des souvenirs personnels ou des trophées qu´ils ont légués. Mentionnons trois pièces exceptionnelles : les médailles coloniales (décoration créée en juillet 1893) du général Mangin, du général Kieffer et du capitaine de Thézillat, portant des agrafes en or, en témoignage des grandes missions africaines des années 1898-1900 :
- "De l´Atlantique à la Mer Rouge" pour la mission Marchand,
- "Mission Saharienne" pour la mission Foureau-Lamy,
- "Centre Africain" pour la mission Gentil-Robillot.
En 1900, les Troupes de Marine quittèrent la marine et furent rattachées au ministère de la Guerre (armée de terre) sous l´appellation nouvelle de "Troupes Coloniales".
Parmi les coloniaux célèbres, le maréchal Galliéni tient une place particulière. Fréjusien d´adoption par son mariage, il a été inhumé à Saint-Raphaël. Le musée conserve l´automobile Koch, sortie des ateliers de Clichy, dont il se servit à Madagascar de 1900 à 1905 ; la tunique modèle 1883 qu´il portait à la même époque, sur laquelle les 3 étoiles de général de division sont présentées "à la mode coloniale", sur 7 galons d´or ; un portrait du général, une réplique de la statue érigée à Saint-Béat, son pays natal, et plusieurs meubles, dont les bureaux sur lesquels il travaillait au Tonkin et à Madagascar.
Six vitrines couvrent la Grande Guerre de 1914-1918, dans laquelle furent engagés deux corps d´armées coloniaux en France, et trois divisions en Orient. Le Régiment d´Infanterie Coloniale du Maroc gagna le titre de régiment le plus décoré de France, obtenant 10 citations à l´ordre de l´armée . Les unités venues d´outre-mer ne furent pas en reste. Le 43e bataillon de tirailleurs sénégalais, le bataillon de tirailleurs somalis et le 12e bataillon de tirailleurs malgaches, furent aussi parmi les plus glorieuses.
Quatre héros de l´arme peuvent être choisis comme exemples, car ils ont incarné nos vertus traditionnelles que sont la valeur, la détermination et l´esprit d´abnégation :
Conservatoire du patrimoine des Troupes de Marine, le musée est également un pôle culturel dynamique et propose des activités diversifiées : un cycle annuel de conférences (le musée dispose d´une salle de 200 places), des expositions temporaires, et pendant plusieurs années, un salon de peinture organisé à l'automne et auquel il sera prochainement redonné vie. Enfin, le musée est accessible aux historiens et aux chercheurs.
Créé en novembre 1996, son Centre d'Histoire et d'Etudes des Troupes d'Outre-Mer (CHETOM) est classé dépôt d'archives intermédiaires du ministère de la Défense. Mémoire de la France d'outre-mer, le CHETOM détient un fonds spécialisé de 12 000 livres et de 800 cartons d'archives, qui peuvent être consultés sur place. Ce centre, qui permet en particulier la conservation dans de bonnes conditions et la communication des fonds privés confiés au musée, est désormais un outil essentiel pour préserver la mémoire des Troupes de Marine, et en assurer le rayonnement. L'accueil des étudiants, l'organisation de journées d'études et de colloques, la publication d'ouvrages, la participation aux enseignements spécialisés d'histoire donnés par les universités dans le Grand Sud de la France, sont autant de résultats de cette volonté d'ouverture, de garder vivante la mémoire de l'arme, et de mettre en valeur son patrimoine. La fréquentation du musée, qui se situe autour de 16 000 visiteurs par an, dont deux tiers de civils, témoigne de l´audience du musée.
Depuis 1986, Fréjus accueille chaque année le rassemblement de la grande famille de l'Arme, le 31 août, jour de la commémoration de Bazeilles et de la fête des Troupes de Marine. Témoignant du lien très fort qui unit Fréjus et Bazeilles, les deux pôles de la mémoire des Troupes de Marine, la crypte du musée à Fréjus garde une urne contenant des reliques de Bazeilles et rend hommage aux 400 000 soldats des troupes de la marine, des troupes coloniales et, enfin, des troupes de marine, morts pour la France sous l'ancre d'or. La fidélité à leur souvenir, le rappel de leur idéal et des valeurs qu´ils ont défendues, et la célébration de leur sacrifice exemplaire assurent le devoir de mémoire et la fonction éducative du musée. Par les différents objectifs auxquels il s´efforce de répondre, le musée des Troupes de Marine concourt à la promotion de l´esprit de Défense et au renforcement du lien Armée-Nation.